A l’Orée du Pays Fertile, Oeuvres Poétiques Complètes

Texte de John Taylor pour le Times Literary Supplement du 28 octobre 2011.

Jacques Lacarrière (1925-2005) was a French homme de lettres who knew how to make his own enthusiasms contagious. His translations of ancient Greek literature (Herodotus, Pausanias) still stimulate bookish French tourists exploring Greece. This is likewise true of his travel-writing classic, L’Éte grec (1976), inspired by extensive stays in a country whose contemporary poets and novelists he also translated. Another popular book, Chemin faisant (1974), recounts a five-month, one-thousand-kilometre hike from the Lorraine to the Corbières. He wrote engaging books on topics that seem not so engaging, such as mythology, Gnosticism, and religious solitude (as practiced by the hermits of Mount Athos). His best-known novel, Marie d’Égypte (1983), tells the story of the Egyptian prostitute and Christian convert (344?–421?) who fled to the desert; a later novel, La Poussière du monde (1997), chronicles the adventures of the Turkish Sufi poet Yunus Emre (1240?–1321?). Although Lacarrière held no religious beliefs, he was fascinated by saints, anchorites, archaic gods and, as he puts it in the poem “Yggdrasil”, “the troubled shadows of roots ever thirsting for what is obscure”.

His poetry is less known. Except for three small volumes, L’Aurige (1977), Lapidaire / Lichens (1985), and À la tombée du bleu (1986), his verse was dispersed in reviews or issued in limited editions illustrated by artist-friends. This is why his collected poems, published under the title À l’orée du pays fertile (At the Edge of the Fertile Land), opens an unexpected door to a poet worth discovering. 

Arriving in post-war Paris from provincial Orléans (where he had played “beneath the eyelids of the sky” like “young Icarus”), Lacarrière was initially influenced by André Breton, but even more so by Aimé Césaire. The diction and vigorous rhythms of Notebook of a Return to My Native Land revealed “the powers and unsuspected magic” of French to the young man, as he explains in one of the short prefaces that he drafted, before his death, for each section of this volume. The Martinican poet uses rare words from the natural sciences and builds complex imagery blending scenes from the present with African history or mythology. An excellent observer of nature, Lacarrière likewise favours botanical and geological precision; he especially ponders the “unappeased oracles” of ancient Greece and, more broadly, Mediterranean civilisations. Already in his early poetry and also like Césaire, he evokes synaesthetic experiences. In the poetic prose piece “Fragment,” for instance, an unnamed “you”—probably a lover, but perhaps his unattainable true self—whispers the words “listen to the smell of the reeds” and the poet henceforth feels “his entire life rustling”. Lacarrière’s poetry and prose poetry are often fuelled by an incantatory lyricism that makes them readymade for reciting. 

It is indeed lyricism that is absent in several French poets of Lacarrière’s generation. Lacarrière puts his faith in words whereas Yves Bonnefoy, Jacques Dupin, Philippe Jaccottet and others have expressed their scepticism about the ability of language to name things, feelings and perceptions “without cheating” (as Jaccottet phrases it), without deceptive “poetic beauty” (as Bonnefoy emphasizes). Lacarrière follows the opposite path by defining the poet’s “only weapon” as “the incandescent word” and by seeing poetic language as outliving “all the materials used by mankind, Cyclopean walls, wooden houses, stone buildings, marble edifices.” For him, every word can potentially be a contemporary of the “First Man” and a poet should be an “Adam of Words.” Occasionally this vantage point gets the better of Lacarrière, when words flow too smoothly and sound takes precedence over sense.

In a more subdued kind of poetry also comprised in his volume, his epigrams about gems and his eight poems and prose poems about lichens similarly differ from much French writing focused on objects. Like Francis Ponge, the pioneer of the genre, a French poet usually searches for the “thing in itself” and rejects subjectivity. Lacarrière is more relaxed. He says “you” to natural objects and sometimes underscores his relationships with them. Chalk, for example, enables him to write down his own “pelagic memory” and gneiss induces his “love” for this “name made of ash and grey granite.” He has no paralyzing scruples about anthropopathism and sometimes sees natural things as animated by non-material forces. A tree has an “unconscious” and a “memory”; an agate represents the “remorse of fire”; “desire gets nicked” on the sharp edges of pyrite cubes that have been “initiated” to the various kinds of patience possessed—or played, for there is a pun here—by Time. Above all, as Lacarrière states in an untitled text included in the “Immemorial Orpheus” section, he believed that poetic images could “enchant”. Rare in contemporary poetry, this goal is accomplished quite often in his optimistic oeuvre.

John Taylor

Times Literary Supplement, October 28, 2011, p. 23.

Talismans

La collection Talismans des éditions Dépaysage a remporté le 25 mars 2024 le prix de la création éditoriale des Trophées de l’édition 2024, organisées par Livres Hebdo.

« Oui, aujourd’hui encore – tel le limon durci des mots inscrits et des idées incises – je ressens les vrais livres comme des inventaires contre l’oubli, des électuaires contre le mal de l’éphémère, des talismans contre l’envol constant du Temps. »

Jacques Lacarrière, « La sourate de l’oiseleur », Sourates, 1982.

Gérard Chaliand, Mon anthologie Universelle de l’Amour

A l’occasion de la publication de son Anthologie universelle de l’amour, la Maison de l’Amérique latine accueille Gérard Chaliand Lundi 27 novembre 2023 à 19h.

Présentation de l’anthologie par Gérard Chaliand

Lectures, Margot Douet, Sylvia Lacarrière, Jacques Bourdat, Claude Burgelin

« J’ai élaboré cet ouvrage consacré à l’amour à travers l’espace et le temps, parce que les voyages très prolongés que j’ai menés à travers les conflits politiques et militaires m’ont familiarisé avec des sociétés autres qu’occidentales, dont j’ai étudié, par ailleurs, les cultures.
J’ai été frappé non par les différences qui, généralement sont remarquées par les voyageurs d’occasion ou par ceux qui ne s’intéressent qu’à un aspect particulier de l’Autre, mais par les similitudes de sensibilité et d’attitudes devant l’amour, la mort ou le combat.
Il m’a paru intéressant de montrer les règles sociales comme les interdits ou la fonction et l’empreinte des phénomènes religieux dans la relation amoureuse.
Le lecteur jugera si j’ai réussi à transmettre ce que l’amour a d’universel tout en constatant les obstacles nombreux à l’accomplissement des élans suscités par le désir et le besoin d’amour. »
Gérard Chaliand

Maison de l’Amérique latine – 217 boulevard St Germain – 75007 Paris. Métro Solférino

Felix Rozen, dix ans déjà

A l’occasion des dix ans de la disparition de Félix Rozen, ses amis ont mis en ligne un site consacré à son oeuvre, inauguré le 15 octobre 2023.

Nous partageons ici un texte de Jacques Lacarrière écrit à l’occasion de son exposition à la galerie Artemporel de Montpellier en juin 1990.

«Je fixais des vertiges. Cette phrase de Rimbaud pourrait très bien convenir aux nouvelles toiles de Félix Rozen, où les traits, les signes, les couleurs et les couches vivent des noces tour à tour primitives et savantes. C’est le mouvement même des genèses et des créations qui affleure en ces toiles, par la patiente superposition des touches, exprimant ici des naissances d’étoiles, là un séisme printanier, ailleurs des élans et des rythmes saisis dans le vif de leur source. Chaque toile devient ainsi un parchemin où s’inscrivent les signes d’une écriture perpétuelle.

Avec les gravures, ce sont plutôt les traces, les sceaux de messages sibyllins qui sont ici proposés par le peintre. On y découvre l’aurore de signes à déchiffrer en même temps que les empreintes d’un pays oublié, celui où l’écriture a pris naissance. Il y a en Félix Rozen un rêveur scientifique et un scribe lyrique qui savent concilier ce qu’on croyait inconciliable : le passé le plus vieux et le futur à naître, en un mot la memoire de la modernité.

Jacques Lacarrière.

L’Envol d’Icare

Vendredi 30 juin à la Cité de la Voix
4, rue de l’Hôpital
Vézelay

Histoires d’ailes…

… Ailes visibles et invisibles qui n’ont cessé de peupler le ciel grec, ailes glorieuses, lumineuses mais aussi ailes brisées et brûlées, c’est vous que j’invoque en prélude à l’envol d’Icare, vous qui depuis sa chute n’avez cessé de porter ses émules au-dessus de la terre et de défier des anciens et des nouveaux dieux.

L’envol d’Icare a commencé bien avant Icare. Il est l’aboutissement d’un rêve qui dut longtemps hanter le cœur et le cerveau des Grecs avant de se concrétiser dans la légende. Une légende racontant l’étrange aventure d’un jeune-homme qui, muni d’ailes d’oiseau, se serait envolé de Crète et serait tombé dans la mer…

A l’occasion de la publication, aux éditions Seghers de L’Envol d’Icare, avec une préface de Jean-Pierre Luminet et du Dictionnaire amoureux de la Grèce en poche chez Plon.

                                   Soirée littéraire et musicale 

Avec Sylvia Lipa-Lacarrière, Lorant Hecquet, Baptiste Roussillon Accompagnement musical Yvan Navaï.

S’envoler ! Echapper aux répétitions de la pesanteur, à l’impasse des gravitations. Accéder à la nef errante des nuages, à la fragile iconostase où les féeries du couchant se mêlent aux bestialités des cyclones. Etre l’éphèbe-oiseau qui inscrit dans le ciel son pur désir d’apothéose.

Chemins faisant en complicité avec la librairie « L’Or des étoiles » Les livres seront vendus sur place

Invitation en format imprimable

L’Envol d’Icare

Nouvelle édition aux éditions Seghers avec une préface de Jean-Pierre Luminet

« Pourquoi bien après la disparition du monde antique, le mythe d’Icare n’a-t-il cessé de faire des émules ? Pourquoi des dizaines, voire des centaines d’humains n’ont-ils cessé de l’imiter, malgré l’exemple désastreux de sa chute ? Il faut croire que la morale du mythe, pourtant fort claire, ne fut guère entendue. Celui-ci doit sûrement contenir autre chose qu’une simple histoire d’orgueil et de cire fondue et c’est cette autre chose, cet appel à la joie de l’envol et à l’ivresse de l’azur qui fit sa pérennité. C’est pourquoi le sujet de ce livre est moins le mythe lui-même que son sillage en nous depuis la fin du monde antique. Je dirai même que là résident le vrai mystère et le vrai mythe d’Icare : en cette pérennité qui le maintint pendant des siècles dans le conscient et l’inconscient de l’homme, dans le rêve de devenir cet homme-oiseau que la perspective d’une chute mortelle ne put elle-même jamais éteindre. »

Lettre à l’auteur de l’Envol d’Icare et du traité des chutes
De Monique Bauer, lectrice et compagne de Chemins faisant

Photo de Monique Bauer, extraite de la quête photographique d’Icare lors de son premier voyage à Ikaria en 2015