Pour  JACQUES LACARRIERE

Par Jeanine Baude

(quelques notes autour de L’enfance, Le fleuve, Le poème)

La poésie comme une manière d’être : d’habiter, de s’habiter écrivait Georges Perros, cela pourrait entamer à la lisière d’une écriture pleine et serrée, celle de Jacques Lacarrière, une ouverture vers le champ de tous les possibles, depuis cette expérience « initiale », cette implosion, puis explosion qui vient coucher le mot sur la page. Jean-Pierre Siméon l’exprime clairement dans sa préface aux œuvres poétiques complètes de Jacques Lacarrière

 Le chemin d’écriture de Jacques Lacarrière (tout comme ses chemins de vie) se parcourt du silence au silence dans la globalité d’un tout que le regard cerne, que l’oreille écoute, et, si davantage de silence s’installe cela produit une écoute encore plus forte, perceptible par le tympan autant que par tous les pores de la peau : le moindre interstice de chair vibre, la moindre cellule que le sang irrigue reprend l’appel venu de ce vaste inconnu que l’auteur perçoit petit à petit, qui inaugure,  tend le doigt de la main qui écrit, allonge le pas de la marche.

Marche pareille au parcours du fleuve, (on pourrait écrire « le fleuve primordial ») le geste d’écriture remontant le courant, les deux s’unissant (on pourrait écrire les dieux s’unissant) justement, dans cette circularité qui les fait naître  par leurs mouvements et leurs tensions.  

Il y a parfois des fleuves et des rivières qui disparaissent dans les sables et ressurgissent ailleurs, souvent sous un autre nom. C’est un peu le cas de ces poèmes….

Répond Jacques Lacarrière à Jean-Marie Drot, à propos du recueil : À la tombée du bleu et plus loin, il cite Chirico, le peintre à qui le livre est dédié :

Il y a plus d’énigme dans l’ombre d’un homme qui marche au soleil que dans toutes les religions présentes, passées et futures. 

On entre, on explore le nœud serré d’une œuvre capitale et légère à la fois, souveraine qui éveille tous nos sens et irise notre cerveau d’un alphabet secret qui s’y installe durablement.

L’enfance, la terre et le regard miroitent, se réfléchissent. La poésie échappe au temps, le sonde, l’écartèle, le déploie en myriade d’échos.

La poésie est le doigt solitaire effleurant l’extrême du futur, proclamant le demain fragile. Prescience plus que science. Surconscience plus que subconscience. […] La poésie est au début des choses, elle est explosion initiale. Elle est le souvenir des trois premières minutes du langage….

Ainsi le cercle et le souffle par lesquels les mots respirent, se dessinent à l’orée de la page, tremblent et se posent. Forêt de signes, écriture et mémoire, charges sonores du langage : Poésie. La langue comme matière vivante, sève vulnérable et résistante à la fois. Dans son total isolement, un mot ne peut être qu’une sonorité creuse mais relié aux autres, il devient cet élément d’une solidarité qui révèle tout son sens, lui donne une nouvelle naissance jusqu’à l’appareiller à son contraire, son inouï, quand un mot par la main du poète rencontre un autre mot pour la première fois. Expérience de la fécondation, mise au monde. 

Donner vie, donner corps, donner sens aux chimères peut être aussi l’onction et la fonction de l’écriture.

Ainsi les hommes, ainsi les dieux : Comment nommer la nuit de l’Avant-Monde ? 

Par l’attention augmentée, la confrontation, le regard incessant, à la fois pluriel et unique qui s’accorde aux minérales phalanges des fougères, aux durs remords des sigillaires, à tous les goudrons d’une mémoire enfouie. Ainsi, le poète assis derrière son bureau dans sa hune de Sacy, où l’on accède par une échelle de meunier. Tous les éblouissements de l’enfance revenus, assemblés ici face aux pins noirs d’Autriche que Jacques Lacarrière observe depuis sa fenêtre et qui renforcent les oliviers de Grèce, les galets de Patmos brillant entre les branches, la presqu’île de l’Athos soulignant les contreforts des collines, la cour étroite entre les bâtiments de pierre. Le poète écrivant, la pupille colorée de toutes ces résonnances plastiques, sonores. Sa vision se perforant, s’allongeant depuis le chemin qu’il aperçoit contre la vitre et qui conduit au Val-du-Puits mais pas seulement, pas exactement, il creuse non seulement cette terre de Bourgogne mais aussi celle de la Grèce. Il creuse tous les chemins : il mène au bout du monde. Il fait trace dans le mouvement mitoyen des écrits passés et futurs, de :  Chemin faisant, le livre de la re-connaissance de ce pays d’enfrance, après l’épopée grecque, au : Pays sous l’écorce, à La poussière du monde jusqu’aux poèmes inachevés de La ronce ou du Secret des fougères.

Ainsi ouvrir et fermer, ainsi honorer une parole : celle de Jacques Lacarrière en l’écoutant vibrer comme tinte l’eau sur la pierre, se froisse la rosée sur la feuille, sous les mains d’un poète, Jardinier des nuages :

Mes mots. Mes mots évaporés aux lèvres des nuages. Mes mots, buée du langage. Je ne suis qu’embrun d’aile.

Les mots de celui qui, enfant, jouait dans les paupières du ciel, et qui n’a eu de cesse de continuer à nous enchanter, même s’il était parfaitement conscient de toutes les misères et de toutes les erreurs de notre monde :

Puisqu’en temps de manque, le poète seul est là pour nommer ce qui manque.

Jeanine Baude

Pour Jacques, in memoriam

Gérard Chaliand


Jacques, jusqu’au bout tu es resté fidèle à l’existence libre que, très tôt, tu as choisi avec courage. Tu n’as jamais eu la marque du collier, ni le cou pelé de la fable. Tu as vécu librement, ce qui est difficile pour ceux qui ne sont pas des héritiers.
Les amitiés, Jacques, sont fondées, tu l’as toujours dit, sur des choix partagés et des lignes de conduite, sur la distance. Tu es l’un de ceux qui n’est pas été entravé par le souci de la sécurité à tout prix.
Je ne vais guère parler de ton œuvre, de la diversité de ton talent, du champ ouvert de tout ce qui t’a intéressé dans ce monde, cruel et merveilleux, où nous faisons un unique voyage sans jamais de retour à Ithaque. Tu disais, ce sont tes mots : « Il ne faut pas faire n’importe quoi avec son existence et ne jamais s’asservir à des choses qui nous sont extérieures. »
Tu es un des rares à avoir consenti à payer le prix en précarité et en somme de travail pour rester libre. Tu n’as pas voulu passer sous les fourches caudines, ni briguer les honneurs et moins encore intriguer. Je t’aime et t’estime pour ta dignité, ta générosité, ton ouverture au monde, à la nature, à la beauté, au charme des femmes et de l’amour et pour ta bonté.
Contrairement à la grande majorité des artistes, tu n’es pas devenu amer avec l’âge, n’ayant rien attendu sinon de vivre à ta guise.
Il n’est pas important, dans le voyage, ni d’aller loin ni d’aller partout, mais de voyager dans la culture, dans l’histoire et dans la chair des sociétés. Tu as su le faire en prenant ton temps pour l’immersion, avec la Grèce comme avec l’univers méditerranéen et ton œuvre, comme celle de Nicolas Bouvier, un de tes amis, nous rappelle que dans le voyage, l’essentiel est dans la qualité du regard du voyageur. Je sais ce dont tu parles quand tu évoques des temps difficiles, quand on n’a ni salaire ni revenu régulier. Surtout au cours des premières et longues décennies, lorsque votre nom n’éveille aucun écho. Tu avais passé la cinquantaine lorsqu’est arrivé le succès avec l’Eté grec que publia Jean Malaurie, dans Terre humaine, la plus belle des collections du siècle dernier. Tu continuas à être un voyageur, un poète, un artisan impeccable.
Tu as donné ensuite cette merveille très originale qu’est Le pays sous l’écorce. Dans le livre plein de ferveur que Florence Forsythe t’a consacré avec ce titre mérité de Passeur de notre terre, je compte une cinquantaine de livres dont deux ou trois sont devenus des classiques, privilège rare, plus une vingtaine de traductions. La grande majorité de tes oeuvres a été écrite après la cinquantaine. Pour rester libre tu as dû beaucoup travailler. Ta compagne Sylvia à qui nous devons entre autres cette journée peut en témoigner. Jacques, j’écoute, nous écoutons, ta voix : « Voici maintenant vingt-cinq ans que je ne vis que de mes livre(…)Je veux dire que je n’ai jamais eu d’autre ressource que celle de ma plume, selon l’expression consacrée. Écrire des livres d’abord, des articles ensuite, des traductions éventuellement. J’ai aussi collaboré à des éditions littéraires et effectué des adaptations théâtrales d’œuvres anciennes et modernes. (…) Pour moi pas de CNRS, pas de Hautes Etudes, pas d’Instituts ou de Fondation dispensateurs de francs ou de drachmes. Helléniste mais helléniste libre, sans attache universitaire, voyageur le plus souvent solitaire (ayant toujours trouvé en Grèce la ou les femmes sans lesquelles je ne saurais vivre, car aimer un pays ne saurais se concevoir sans aimer ses femmes ou ses hommes, selon ses goûts), j’ai toujours choisi tout ce que j’ai écrit sans aucune contrainte extérieure, bref n’appartenant à aucune maison d’édition, ni aucune institution quelconque susceptible de me faire vivre, je mène une vie et une activité entièrement libertaire. Je vis en marge, en dehors de tous les milieux littéraires que jamais je n’ai fréquenté, n’ayant aucun souci d’être à la mode. (…)Mais ces problèmes (…) ne m’ont ni empêché de voyager ni contraint d’écrire autre chose que ce que j’ai voulu écrire. Je dois même à ce manque d’argent d’avoir connu la Grèce telle que les Grecs eux-mêmes, j’entends les Grecs pauvres, la vivent et la parcourent. Toutes ces années je les ai passés à côté d’eux et souvent même chez eux…
J’ai eu la chance d’avoir une santé solide, un tempérament paysan, un goût marqué pour l’imprévu qui fit que je m’adaptai très bien à tous les changements et que j’ai pu me montrer indifférent au confort matériel. Aujourd’hui encore si la rencontre de la beauté et de la vérité est à ce prix, je coucherai dehors et me nourrirai de pain et d’olives le temps qu’il faudra. C’est le but, le but seul qu’il ne faut jamais perdre de vue, a fortiori lorsqu’il s’agit de voyages et ce but lorsque l’on vit ainsi dans son corps et son temps organique, cette existence, ce rappel constat du réel, ce fut toujours pour moi de pouvoir rencontrer la beauté, qu’elle se nomme Patmos, Hydra, ou Vassilika ou Angeliki et au besoin, comme le poète de l’asseoir sur mes genoux. »
C’est bien toi, Jacques, on te reconnaît, courage sans forfanterie, appétit de la rencontre et du vivre sans entrave. Si je te demandais : as-tu vécu une belle vie, une vie à laquelle tu as donné sens ? Je pense que tu ne pourrais que me répondre oui.
Vois-tu, dix ans après ta disparition, la plupart de tes amis encore vivants sont là. Par-dessus tout, il y a ta compagne qui, durant dix années a soufflé sur les braises du temps pour se souvenir avec l’aide de ceux qui t’aiment. Tu as bien de la chance mon cher camarade d’avoir une compagne qui, par fidélité du cœur sait, comme dans la Grèce antique, transformer la disparition physique en « belle mort » pour ceux qui ont bien combattu.
La « belle mort » est celle qu’on chante afin de la sauver de l’oubli. On la célèbre ainsi,
depuis les temps homériques. Nous ne t’oublions pas Jacques, ni toi ni ton exemple.


Gérard Chaliand
A L’IMA en 2015

Les Évangiles des Quenouilles

Reprise à la Cité de la Voix à Vézelay le 29 juin 2024

 L’Univers de ces Évangiles, raconté par les voix de Catherine Ferran,  Guilène Ferré, Sylvia Lacarrière, Laurence Marini, Laurent Hecquet, Pascal Huvet.       
Musique Yvan Navaï.

Rendez-vous à 21h à la Cité de la Voix, Salle Romane, Vézelay

… Un livre-grimoire aux pages, aux mots élémentaires au sens propre du terme (mots d’air, de terre, d’eau et de feu), hanté de chats qui miaulent, de pies qui jacassent, de loups qui hurlent. Il est un grand corps respirant avec l’homme et lui communiquant (ou lui ôtant) son souffle. Il est aussi un talisman contre l’incertitude ou l’ambiguïté des présages. 

Encore est-il bien bon de nous faire signe, ce monde ! Il pourrait museler ses loups, arrêter ses nuages, figer ses eaux, il pourrait laisser l’homme devant l’horreur d’un univers aux astres aveugles et aux oiseaux muets. Mais il ne le fait pas et il tente de nous avertir avec des signes souvent imprécis ou absurdes, mais enfin il nous avertit. A nous de savoir déchiffrer ses messages    

Présentation téléchargeable

En attendant le 29 juin, regardez la présentation par l’auteur à Apostrophes en 1988

Trois Pascal, un Jacques & quelques vaches

Présentation de l’ouvrage Cornes et Mamelles avec deux éloges de la vache par Pascal Commère & Pascal Dibie suivis de Les Meuh-moires d’une vache par Jacques Lacarrière.

Autrefois je vivais au Ciel
Et paissais les prairies d’étoiles.

Mes yeux étaient de purs émaux
On les prenait pour les Gémeaux.
Et quand mon pis frôlait les nuées
Il y laissait des voies Lactées. J’avais pour amant le Taureau
Qui me saillit sur l’Écliptique… 
J.L.

Éditions étrangères

Les Hommes Ivres de Dieu

  • Die Gott Trunkenen ( Limes Verlag / Wiesbaden 1967)
  • Los Hombres ebrios de Dios ( Ayma / Barcelone 1964)
  • Men possessed by God ( Doubleday / New-York 1964)
  • Oi enthéoi ( Hadzinicoli / Athénes )

L’ Eté Grec

  • Griechischer Sommer ( Limes Verlag / Munchen 1977)
  • To Elleniko Kalokairi ( Hadzinicoli / Athènes )

Les Gnostiques

  • Los Gnosticos ( Lared de Jonas / Mexico 1979 )
  • Os Gnosticos ( Fim de Seculo / Lisbonne 2001)
  • The Gnostics ( Peter Owen, Londres 1977)
    ( Dutton Paperbak, New-York 1977)
    ( City Lights, San Francisco 1989)
  • Oi gnostikoi ( Hadzinicoli, Athénes)

Dictionnaire Amoureux de la Grèce

  • Erotiko Lexim tis Elladas ( Hadzinicoli, Athènes 2001)
  • Dictionario del Amante del Grecia ( Paidos / Barcelone 2002)
  • Grécia, Um olhar Amoroso (Ediouro Public acoès, Rio dei Janeiro (2003)

Marie d’Égypte

  • Die Agypterin (Sitz / Munich 1995)

Un Jardin pour Mémoire

Um Jardim por Memoria (Bizancio, Lisbonne 2003)

Cornes et Mamelles (Éloge de la vache)

Avec des dessins de Pascal Boulage

Ce petit livre s’est bâti autour du dialogue entre un ethnologue (Pascal Dibie) et une vache, à propos du paysage. C’est tout naturellement que l’idée est venue d’associer Pascal Commère grand connaisseur de la bête à comes – à ce projet, et d’y adjoindre des dessins de Pascal Boulage, ainsi que trois Ruminations poétiques (Les Meuh-moires d’une vache) inédites de Jacques Lacarrière…

ISBN: 978-2-381460291

A l’Orée du Pays Fertile, Oeuvres Poétiques Complètes

Texte de John Taylor pour le Times Literary Supplement du 28 octobre 2011.

Jacques Lacarrière (1925-2005) was a French homme de lettres who knew how to make his own enthusiasms contagious. His translations of ancient Greek literature (Herodotus, Pausanias) still stimulate bookish French tourists exploring Greece. This is likewise true of his travel-writing classic, L’Éte grec (1976), inspired by extensive stays in a country whose contemporary poets and novelists he also translated. Another popular book, Chemin faisant (1974), recounts a five-month, one-thousand-kilometre hike from the Lorraine to the Corbières. He wrote engaging books on topics that seem not so engaging, such as mythology, Gnosticism, and religious solitude (as practiced by the hermits of Mount Athos). His best-known novel, Marie d’Égypte (1983), tells the story of the Egyptian prostitute and Christian convert (344?–421?) who fled to the desert; a later novel, La Poussière du monde (1997), chronicles the adventures of the Turkish Sufi poet Yunus Emre (1240?–1321?). Although Lacarrière held no religious beliefs, he was fascinated by saints, anchorites, archaic gods and, as he puts it in the poem “Yggdrasil”, “the troubled shadows of roots ever thirsting for what is obscure”.

His poetry is less known. Except for three small volumes, L’Aurige (1977), Lapidaire / Lichens (1985), and À la tombée du bleu (1986), his verse was dispersed in reviews or issued in limited editions illustrated by artist-friends. This is why his collected poems, published under the title À l’orée du pays fertile (At the Edge of the Fertile Land), opens an unexpected door to a poet worth discovering. 

Arriving in post-war Paris from provincial Orléans (where he had played “beneath the eyelids of the sky” like “young Icarus”), Lacarrière was initially influenced by André Breton, but even more so by Aimé Césaire. The diction and vigorous rhythms of Notebook of a Return to My Native Land revealed “the powers and unsuspected magic” of French to the young man, as he explains in one of the short prefaces that he drafted, before his death, for each section of this volume. The Martinican poet uses rare words from the natural sciences and builds complex imagery blending scenes from the present with African history or mythology. An excellent observer of nature, Lacarrière likewise favours botanical and geological precision; he especially ponders the “unappeased oracles” of ancient Greece and, more broadly, Mediterranean civilisations. Already in his early poetry and also like Césaire, he evokes synaesthetic experiences. In the poetic prose piece “Fragment,” for instance, an unnamed “you”—probably a lover, but perhaps his unattainable true self—whispers the words “listen to the smell of the reeds” and the poet henceforth feels “his entire life rustling”. Lacarrière’s poetry and prose poetry are often fuelled by an incantatory lyricism that makes them readymade for reciting. 

It is indeed lyricism that is absent in several French poets of Lacarrière’s generation. Lacarrière puts his faith in words whereas Yves Bonnefoy, Jacques Dupin, Philippe Jaccottet and others have expressed their scepticism about the ability of language to name things, feelings and perceptions “without cheating” (as Jaccottet phrases it), without deceptive “poetic beauty” (as Bonnefoy emphasizes). Lacarrière follows the opposite path by defining the poet’s “only weapon” as “the incandescent word” and by seeing poetic language as outliving “all the materials used by mankind, Cyclopean walls, wooden houses, stone buildings, marble edifices.” For him, every word can potentially be a contemporary of the “First Man” and a poet should be an “Adam of Words.” Occasionally this vantage point gets the better of Lacarrière, when words flow too smoothly and sound takes precedence over sense.

In a more subdued kind of poetry also comprised in his volume, his epigrams about gems and his eight poems and prose poems about lichens similarly differ from much French writing focused on objects. Like Francis Ponge, the pioneer of the genre, a French poet usually searches for the “thing in itself” and rejects subjectivity. Lacarrière is more relaxed. He says “you” to natural objects and sometimes underscores his relationships with them. Chalk, for example, enables him to write down his own “pelagic memory” and gneiss induces his “love” for this “name made of ash and grey granite.” He has no paralyzing scruples about anthropopathism and sometimes sees natural things as animated by non-material forces. A tree has an “unconscious” and a “memory”; an agate represents the “remorse of fire”; “desire gets nicked” on the sharp edges of pyrite cubes that have been “initiated” to the various kinds of patience possessed—or played, for there is a pun here—by Time. Above all, as Lacarrière states in an untitled text included in the “Immemorial Orpheus” section, he believed that poetic images could “enchant”. Rare in contemporary poetry, this goal is accomplished quite often in his optimistic oeuvre.

John Taylor

Times Literary Supplement, October 28, 2011, p. 23.

Talismans

La collection Talismans des éditions Dépaysage a remporté le 25 mars 2024 le prix de la création éditoriale des Trophées de l’édition 2024, organisées par Livres Hebdo.

« Oui, aujourd’hui encore – tel le limon durci des mots inscrits et des idées incises – je ressens les vrais livres comme des inventaires contre l’oubli, des électuaires contre le mal de l’éphémère, des talismans contre l’envol constant du Temps. »

Jacques Lacarrière, « La sourate de l’oiseleur », Sourates, 1982.