Jacques Lacarrière par Daniel Vincent

J’ai eu la chance de rencontrer Jacques Lacarrière il y a une trentaine d’années.

Tout de suite il m’a semblé le connaître et le reconnaître. Un peu comme un Colas Breugnon, bon garçon, Bourguignon aux attaches icaunaises quoique né Limougeaud en 1925, rond de façons et de bedon, chaleureux comme on sait l’être en Bourgogne, avec la cordialité juste retenue, franche, souriante et pudique.

Jacques Lacarrière a eu l’enfance Orléanaise, et connut le tournant de la guerre, ce temps terrible où, selon son expression, « Les saules ne sont pas les seuls à pleurer ». Il se souvenait du « jardin de la rue du Parc », à Orléans, et de son tilleul où il se réfugiait, avec « des désirs de Loire » et « des parfums de Sologne[1] » comme il le raconte dans Un jardin pour mémoire paru en 1999. 

Puis ce furent les études à Paris, lettres classiques à la Sorbonne, droit et langues orientales. Il abandonna l’enseignement avant même de l’avoir commencé et se dit un jour : « Reste maintenant à découvrir le monde[2] ». Parti pour l’Inde, il s’arrêta en Grèce où il multiplia les séjours, puis la Crète, le mont Athos, le monde antique et sa mythologie donnant en 1976 son ouvrage le plus célèbre, L’Été grec, au genre résolument nouveau « qui tenait de l’essai, du carnet de route, du poème en prose improvisé au rythme de la marche et du récit libéré de tous les codes formels[3] » selon un critique du Monde. À défaut de pouvoir écouter Jacques Lacarrière dire son Été Grec, tel Hérodote sous les portiques de l’Agora d’Athènes, c’est sa voix qu’il faut s’efforcer d’entendre en le lisant car c’était un conteur, j’en témoigne. Il a dit merveilles à la DRAC au début des années quatre-vingt dans le cycle que nous avions organisé avec notamment Jean-Pierre Chabrol, Per-Jakez Hélias et Bernard Clavel. 

Amoureux de la langue grecque, il traduisait aussi bien Sophocle (Antigone, par exemple) que les poètes grecs contemporains – tels Yannis Ritsos, Georges Séféris et bien d’autres – donnant ce magnifique spectacle, le Chant profond de la Grèce créé en français au Centre d’action culturelle du Creusot en 1982 avec, parmi les comédiens, Sylvia Lipa. Quelques uns s’en souviennent encore, à l’ombre du marteau-pilon ! Jacques Lacarrière, poète, écrivain, était aussi metteur en scène qui avait débuté, si je ne me trompe, avec l’Ajax de Sophocle au début des années soixante. Et Sylvia, avec Jean-Paul Roussillon, à la Comédie française dans Œdipe-Roi. Jacques et Sylvia étaient faits pour se rencontrer.

Jacques Lacarrière était à l’instar de Léon-Paul Fargue à Paris, le piéton du monde – principalement du monde méditerranéen, Grèce, Égypte, Syrie antiques et modernes, car il se sentait « enfant du soleil, de la chaleur, des pierres sèches et brûlées, de la mer tiède. [4]»  Il fut aussi, avec la maturité qui lui vint, fondamentalement, nécessairement, piéton de France. Il a tracé, Chemin faisant, la mémoire des routes – c’est le titre de la postface aux lecteurs de son ouvrage paru en 1977 – des Vosges au Roussillon. Non une divagation comme le dit l’éditeur, plutôt une sorte de pèlerinage intérieur de saint Jacques où seule l’anecdote est de hasard car la rencontre – avec la nature, les gens, l’histoire… – est nécessité. Et d’abord ce petit coin de Bourgogne, Sacy, qu’il retrouve, « minuscule finage entre quatre vallées, entre la Cure et le Serein » où, parmi les vignes, les forêts, les pierre jaunes et tendres, un jour, le sourire d’un vieillard qui l’a reconnu « après tant d’années de voyages et d’absence » lui a ouvert « toutes grandes les portes d’une enfance oubliée. [5]» Et je peux vous dire que Jacques Lacarrière était heureux à Sacy et qu’il faisait partager son bonheur, généreusement, à tous ceux qu’il recevait, à ses amis.

[1] Jacques LACARRIÈRE, Un jardin pour mémoire, Nil éditions, 1999, Paris, p. 23.
[2] Ibid, p. 187.
[3] Cité dans Wikipedia.
[4] Jacques LACARRIÈRE, Chemin faisant, Fayard, 1977, Paris, p. 93.
[5] Ibid.

La liberté de la presse ?

Je mets volontairement un point d’interrogation car la réponse n’est pas si simple.

Ce n’est certainement pas la liberté d’écrire tout ce qui vous passe par la tête et même par le cœur comme si l’on était seul dans sa ville ou dans son journal.

La liberté de celui qui informe commence avec celle du lecteur ou de l’auditeur, elle doit être écoute des autres autant qu’affirmation de soi. Du moins dans un pays démocratique.

Mais quand la démocratie est bafouée, foulée aux pieds par les tenants du racisme et la purification ethnique, quand les mots deviennent eux aussi des armes meurtrières et à double tranchant, alors l’existence de journaux indépendants, de journaux indépendants, de journalistes objectifs et critiques, demeure le seul refuge de toute liberté et l’unique oxygène des populations isolées et dupées. Elle est le seul fil, le seul pont qui puissent les relier au monde extérieur et nous relier nous aussi à elles.

Et cette liberté-là, cette survie nécessaire d’une information libre, ne peut qu’appeler de notre part la solidarité. Elle est l’acte même par lequel, à notre façon, nous demeurons à leurs côtés.

Jacques Lacarrière, L’Yonne Républicaine, le 21/3/1994

Dépaysage Collection Animales

Louve en juillet

Gabrielle Filteau-Chiba, autrice de Louve en juillet et directrice de la nouvelle collection « Animales », sera présente en France fin août pour trois rencontres exceptionnelles


Vendredi 22 août à 18h30
Salle des fêtes de Malvezie (Haute-Garonne)
Lancement de Louve en juillet et de la collection « Animales »
Animé par les libraires de L’Indépendante à Saint-Gaudens


Samedi 23 août à 16h
Librairie À La lettre à Saint-Girons (Ariège)


Dimanche 24 août à 16h30
Librairie Le Kairn à Arras-en-Lavedan (Hautes-Pyrénées)

Éditions dépaysage

Borobudur

Dans le cadre de l’année du centenaire de Jacques Lacarrière les éditions Jacques Brémont proposent une parution de Borobudur, un texte paru originellement dans la revue Caravanes dirigée par Jean-Pierre Sicre et André Velter en 1997.

L’ouvrage sera présenté au Marché de la Poésie le 21 juin 2025 à 16h30.

Présentation et lectures lors des journées du cinquantenaire des éditions Jacques Brémond à Tavel, près d’Avignon les 23 et 24 août 2025.

Borobudur

 » Impossible pour moi de prononcer ce nom sans sentir en moi renaître l’émotion de la première rencontre et celle surtout de la première arrivée au sommet… »

Où j’aimerais revenir

J’aimerais revenir dans le sanctuaire bouddhiste de Borobudur, situé dans le sud de l’île de Java, au cœur de la dense forêt tropicale. Il est composé de quatre étages quadrangulaires et de trois étages circulaires dont les côtés sont ornés de bas-reliefs représentant les vies antérieures du Bouddha. Au sommet, une ultime terrasse porte le grand stupa du Bouddha invisible. Regarder le soleil se lever du haut du monument, c’est regarder chaque matin le monde recommencer, un monde luxuriant, chatoyant et sonore, orchestré par les chants d’oiseaux de la forêt environnante. Ici, il n’y a personne pour vous accueillir, personne pour vous guider. Le lieu vous appartient et c’est à vous – et à vous seul – de savoir et sentir ce que vous êtes venu chercher ici. En ces temps où le rire, la joie, la sérénité sont si rares, Borobudur est une oasis de silence et de contemplation offerte ouverte à tous les visiteurs, une sculpture immense accueillante qui est comme le premier sourire du monde.

 » Il y en a qui aiment si fort la terre qu’ils en viennent à ne plus savoir au juste d’où ils sont ; ceux-là rêvent que chacun de leurs pas le long du long chemin les rend fils d’un nouveau coin du monde. Jacques Lacarrière est l’un de ces citoyens au passeport mal défini : une nationalité qui hésite entre le champ ouvert de la steppe et les vents du ciel.

Est-il l’enfant de la Bourgogne, de la Grèce, des chemins poudreux de l’Anatolie ou de l’Orient extrême… peu importe. Aller lui va. Et il nous va qu’il aille ainsi.

Ces marcheurs impénitents qu’on trouve au matin dormant à l’abri des fossés enroulés dans une mauvaise couverture se faisaient hier encore traiter par les bonnes gens de « drôles de pèlerins ». Notre poète acceptera sans façons, veut-on croire, de se savoir ainsi désigné à son tour : Sans doute ne voit-il aucun mal à cela, bien au contraire. Jacques fils de Zébédée, son saint patron, n’est-il pas le protecteur de tous les pèlerins, drôles ou pas ?

Et puis le pèlerinage est en soi une chose suffisamment sérieuse pour qu’il soit besoin d’en rajouter, de se faire en chemin une tête de circonstance. Il est permis de siffler sur la route, de laisser la folle du logis vagabonder elle aussi : cela n’empêchera pas que, parvenu au sanctuaire, vous soit octroyé comme aux autres un peu de la manne céleste. De quoi regarnir sa besace, et aller voir ce qui se passe plus loin.

Les lecteurs de Jacques Lacarrière, ceux qui ont aimé, entre autres livres, Chemin faisant (1974), L’Été grec (1976), Le Pays sous l’écorce (1980), Marie d’Égypte (1983) … et tout récemment La Poussière du monde (1997) où il est grandement question du saint mystère des chemins, ne seront pas trop surpris de retrouver aujourd’hui ce fidèle compagnon à l’autre bout de la terre : non loin de l’équateur, sur la colline de Borobudur, que des générations de pèlerins ont usée de leurs pas et fertilisée de leurs rêves.

(Caravanes) Jean-Pierre Sicre, 1997

Hommage à Jacques Lacarrière à la Villa Kérylos

Villa Kérylos

A l’occasion du centenaire de la naissance de Jacques Lacarrière, un hommage à l’auteur de L’Eté grec a lieu le jeudi 26 juin 2025 à la Villa Kérylos.

Dans lieu symbolisant à merveille les relations franco-grecques sera célébré l’écrivain dont l’œuvre continue d’inspirer de nombreux auteurs contemporains. Traducteur, poète, romancier, homme de théâtre, producteur à la radio, grand amateur de musique et de bons vins, penseur libertaire, défenseur de l’écologie, amoureux de la lumière grecque et des vies minuscules…

Les multiples facettes de Jacques Lacarrière sont évoquées au cours des différents moments de cette journée d’hommage.

Programme détaillé

Jacques Lacarrière, écrivain-photographe

Jacques Lacarrière, Patmos, La Chora, 1963, Courtesy Silvia Lipa-Lacarrière

Du 28 mai au 29 juin 2025, les éditions Le temps qu’il fait, sous la houlette de Georges Monti, présente à librairie Ombres Blanches une sélection de photographies de Jacques Lacarrière, conservées dans la collection du Château d’Eau, à Toulouse.

Exposition à voir du 28 mai au 29 juin 2025 dans les galeries Mirepoix, librairie Ombres Blanches, 3 rue mirepoix, Toulouse.

Rencontre avec Silvia Lipa-Lacarrière

LE SAMEDI 7 JUIN À 18 H à Ombres Blanches