Marie d’Egypte

Ce roman, ce conte-histoire débute aux temps où finissait un monde. Au IVe siècle, les dieux anciens quittaient l’Egypte. A Alexandrie, capitale de la volupté, vivait Marie, la plus belle et la plus libre de toutes les prostituées de la ville. Près du port, elle se donnait aux hommes jour et nuit, dans l’ivresse du plaisir partagé. Mais tandis que l’histoire inverse son sens et que le dieu des chrétiens pénètre le coeur des hommes, Marie elle aussi ressent une force mystérieuse, un appel fulgurant : elle quitte tout et part au désert à la recherche de l’Infini qui la délivrera de ses remords et de toute vie humaine.
Marie la prostituée devient Marie des Sables et rentre dans la légende. A travers le roman de cette extraordinaire existence, Jacques Lacarrière nous entraîne au coeur de ce monde qui bascule en devenant chrétien; Alexandrie, le désert, un dieu nouveau, Marie d’Egypte, prostituée des hommes et amante de Dieu.
« Notre mémoire est courbe. Qu’on la remonte ou la prolonge à l’infini, elle nous permet de rattraper ces bribes de passé qui subsistent sûrement devant nous autant que derrière nous.

Tu as beau fuir dans l’incertain de l’horizon ou demeurer figée devant le désert lisse, je te retrouverai toujours, Marie, où que tu sois, car tu habites désormais l’orbe de ma mémoire. Les lieux, l’époque où tu vécus : ce désert d’Egypte, cette ville d’Alexandrie que tu désiras tant puis que tu refusas, ce siècle quatrième où l’histoire inverse son sens et son signe en se faisant chrétienne, ce crépuscule des dieux que nous avons aimés parce qu’ils nous proposaient le plus grand des mystères auxquels nous puissions être confrontés : leur ressemblance si forte et si fragile avec nous-mêmes, ces lieux et cette époque m’habitent depuis si longtemps que ma mémoire y a élu son domicile.
C’est pourquoi je t’ai choisie, Alexandrie, car tu es la ville où le monde commença et recommença plusieurs fois ; je t’ai choisi, désert, car tu es le plus vierge et le plus vieux de nos miroirs ; je t’ai choisie, Marie d’Egypte, puisque tu fus la prostituée des hommes et l’amante de Dieu. Ce conte-histoire débute aux temps où finissait un monde, au crépuscule-aurore de toutes les questions. Et toi, Marie d’Egypte, la sainte prostituée du ciel, la recluse de l’infini. »

Paris, Jean-Claude Lattes, 1983