Disparition de Gérard Chaliand

Un fidèle ami et compagnon de Chemins faisant vient de nous quitter.
Jacques Lacarrière avait présenté en postface un de ses derniers livres Mémoire de ma mémoire. En voici un extrait.

Gérard Chaliand voyage beaucoup, voyage sans cesse… Vietnam, Iran, Afrique, Afghanistan, Kurdistan, partout où il passa, il fut d’abord témoin – parfois même acteur – des combats et des révolutions du Tiers-monde. 
Il a partagé des années en ces pays d’exigences, ces pays durs mais fraternels, il a partagé le pain et le sel des injustices et des espoirs. Témoin, acteur, conseiller, frère, ami, il a joué tous ses rôles.
Et aussi celui du poète qui, de ces plongées dans l’histoire fragile et féroce du monde, a rapporté des mots qui durent, des chants tutélaires.
Mémoire de ma mémoire parle, de façon indirecte, avec deux générations interposées, du génocide arménien, ce n’est pas un retour sur ses origines, mais un enrichissement. 
Ce livre est une remémoration, presque une réincarnation de quelques-uns de ces combattants dont les noms, aujourd’hui, ne nous dirons plus rien, mais qui ont été, en leur temps, les derniers défenseurs de la liberté arménienne.

Jacques Lacarrière : présentation de Gérard Chaliand, Mémoire de ma mémoire

Nos premières rencontres ont eu lieu aux environs de 1968 et nos itinéraires sont à la fois très proches et très différents, nous nous sommes retrouvés sur des choses communes : ne pas faire n’importe quoi avec son existence et ne jamais s’asservir à des choses qui nous sont extérieures ou étrangères. Pendant des années Gérard Chaliand a parcouru le monde alors que moi, malgré ma légende, je ne suis pas du tout un grand voyageur, je n’ai fait que tourner autour de la Méditerranée. Gérard s’est toujours intéressé à ce qui va mal dans l’humanité, certes le soleil se lève le matin, mais il y a aussi la nuit, la guerre, des gens qui ont faim. Là, il aura axé sa vie. 

Depuis le Sentier lumineux du Pérou jusqu’aux maquis afghans d’il y a quarante ans, il a fréquenté tous les peuples du tiers monde en voie de libération, dans les montagnes, les plaines, les déserts avec une assiduité et une conscience totale. C’est une existence exceptionnelle. Si on relie aujourd’hui les Mythes révolutionnaires du tiers-monde, paru il y a plus de trente ans, cela reste prémonitoire. C’est une vie qui s’est vouée à comprendre pourquoi il y a des exterminations, pourquoi il y a des frontières ethniques, religieuses, nationales et, allant même plus loin, familiales à l’intérieur même de groupes et d’ethnies ou de fratries très restreintes. Gérard s’est toujours exprimé avec lucidité et précision.

Saga si lointaine (extrait)
…..
Mon navire est chargé de mémoire
de milliers d’années de signes et de lieux
du souvenir d’Ulysse qui refusa l’immortalité
des ouvreurs de routes,
des déchiffreurs d’univers
de toutes les libertés arrachées.
Je salue les bardes, porteurs des mots de la tribu
le clair parler françois, ma patrie
les poètes du monde, voleurs d’étoiles, brasseurs de nuages
sachant en tapis volants remonter le temps
et chanter l’amour et le souci.
Le dernier souffle de la saga leur appartient.
Au-delà de tous les désastres et de la mort
à chaque naissance, le monde recommence

A bord du Dixmude, Djakarta-Vijanayagayam, juin 2015
Kurdistan d’Irak, janvier 2016

Dans la rubrique Témoignages se trouve celui de Gérard Chaliand lu à l’Institut du monde arabe en 2015, à l’occasion des 10 ans de la disparition de Jacques