Je mets volontairement un point d’interrogation car la réponse n’est pas si simple.
Ce n’est certainement pas la liberté d’écrire tout ce qui vous passe par la tête et même par le cœur comme si l’on était seul dans sa ville ou dans son journal.
La liberté de celui qui informe commence avec celle du lecteur ou de l’auditeur, elle doit être écoute des autres autant qu’affirmation de soi. Du moins dans un pays démocratique.
Mais quand la démocratie est bafouée, foulée aux pieds par les tenants du racisme et la purification ethnique, quand les mots deviennent eux aussi des armes meurtrières et à double tranchant, alors l’existence de journaux indépendants, de journaux indépendants, de journalistes objectifs et critiques, demeure le seul refuge de toute liberté et l’unique oxygène des populations isolées et dupées. Elle est le seul fil, le seul pont qui puissent les relier au monde extérieur et nous relier nous aussi à elles.
Et cette liberté-là, cette survie nécessaire d’une information libre, ne peut qu’appeler de notre part la solidarité. Elle est l’acte même par lequel, à notre façon, nous demeurons à leurs côtés.
Jacques Lacarrière, L’Yonne Républicaine, le 21/3/1994